Préparation à l’enseignement supérieur : un débat relancé

Territoires

Le 13 août 2004, la parution de la loi relative aux libertés et responsabilités locales instituait la création d’un « cycle d’enseignement professionnel initial » (CEPI) au sein des conservatoires classés, assorti pour la première fois d’un diplôme national (DNOP). Seules deux régions (Poitou-Charentes et Nord/Pas-de-Calais) s’étaient alors emparées de cette mission. Douze ans après, l’État revient sur la question de la préparation à l’enseignement supérieur, à travers des dispositions figurant dans la LOI n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Art. L. 759-5. : Les établissements relevant de l’initiative et de la responsabilité des collectivités territoriales, qui assurent une préparation à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques, peuvent être agréés par l’État s’ils satisfont à des conditions d’organisation pédagogique définies par décret.
Les élèves inscrits dans les établissements agréés du domaine des arts plastiques bénéficient des aides aux étudiants, des œuvres universitaires, de la santé et de la protection sociale des étudiants prévues aux articles L. 821-1 à L. 832-2.
Les élèves des classes d’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique agréés par l’État dans le domaine du spectacle vivant, bénéficient des aides aux étudiants, des œuvres universitaires, de la santé et de la protection sociale des étudiants prévues aux mêmes articles L. 821-1 à L. 832-2 dès lors qu’ils sont titulaires d’un baccalauréat ou d’une équivalence. Les élèves inscrits qui ne sont pas titulaires d’un baccalauréat ou d’une équivalence peuvent bénéficier d’aides individuelles contingentées.

Contribution de Conservatoires de France à l’élaboration des décrets d’application de l’article L.759.5 du Code de l’éducation, modifié par la LOI n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Préambule

Conservatoires de France note avec satisfaction les évolutions positives que prévoit le texte de loi, à savoir :

  • La volonté de faire évoluer les enseignements préparant à l’enseignement supérieur.
  • La confirmation d’un diplôme national.
  • La volonté réaffirmée d’une « véritable égalité d’accès aux enseignements artistiques » garantie par l’État et les collectivités territoriales.
  • L’échelle régionale retenue pour l’organisation de l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur.
  • La décision attendue de longue date, de permettre aux élèves inscrits dans ces formations de bénéficier des aides attribuées aux étudiants.

Propositions et points de vigilance

1. Aspects territoriaux

Il est important de lever les ambiguïtés concernant l’articulation des responsabilités et obligations de chaque niveau de collectivité et de l’État. En effet, le texte de loi prévoit que « la région organise » et « peut adopter un schéma régional », tandis que l’État « coordonne l’organisation des examens du diplôme national » et agrée certains établissements dispensant cet enseignement, sans toutefois préciser les modalités de concertation et de décisions. Pour bien structurer cette nouvelle organisation, il apparaît important de s’appuyer sur l’existant, notamment les réseaux régionaux d’établissements.

La volonté affirmée d’égalité d’accès à ces enseignements implique le maintien d’un maillage territorial d’établissements ou réseaux d’établissements pouvant proposer ces formations. Afin que l’éloignement géographique ne soit pas une source d’inégalités, il est important de ne pas se limiter à un ou deux établissements par région.

Par ailleurs, une concentration sur trop peu d’établissements pourrait avoir des conséquences négatives sur l’équilibre entre les différentes missions qui sont confiées à ces structures.

Une autre conséquence de cette trop forte concentration serait la diminution progressive du nombre d’enseignants de catégorie A dans l’ensemble des établissements et ses impacts : baisse du niveau de qualification des équipes et du rayonnement pédagogique et artistique des conservatoires sur le territoire, entre autres.

2. Positionnement de l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur dans le parcours de formation

Cet enseignement se situant en amont de l’enseignement supérieur, il appartient clairement à l’enseignement initial et doit être considéré comme tel.

Le texte de loi ne propose pas une articulation lisible entre la possibilité de proposer cet enseignement, la nécessité de l’agrément de l’État pour le mettre en œuvre, et la capacité à délivrer le diplôme national. Il apparaît important que ces trois points soient obligatoirement corrélés dans les décrets d’application.

Conservatoires de France souhaite que les professionnels soient associés à la définition des « conditions d’organisation pédagogiques » permettant l’agrément.

3. Aspects pédagogiques

Concernant ces formations, il semble important d’éviter l’appellation “classe préparatoire” qui fait référence, notamment pour les publics auxquels elles s’adressent, à une hyperspécialisation liée aux attendus d’une seule typologie de concours et d’orientation. L’appellation introduit par ailleurs une confusion avec les classes préparatoires aux grandes écoles, qui relèvent quant à elles de l’enseignement supérieur.

Ces formations, parcours d’excellence, nécessitent une approche globale et pluridisciplinaire en cohérence avec la diversité des profils attendus dans les établissements d’enseignement supérieurs français et européens et la variété des futurs parcours professionnels des étudiants. Pour ce faire, il est nécessaire de s’appuyer sur les propositions pédagogiques existantes qui ont fait leurs preuves dans certains cycles spécialisés, CEPI ou COP, cycles que l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur est amené à remplacer.

L’éventail des propositions européennes d’enseignement supérieur tout comme la diversité des projets et des profils des élèves potentiellement concernés par l’enseignement préparatoire en cours d’élaboration, implique de ne pas retenir un numerus clausus directement corrélé aux seules places disponibles des établissements supérieurs français.

Il est donc nécessaire de travailler avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur à la définition du cahier des charges de cet enseignement préparatoire. Celui-ci devra garantir une cohérence et une continuité des parcours de formations, et pourra faire l’objet d’une annexe au schéma d’orientation pédagogique.

4. Financement

A ce jour, il est à souligner que la majorité de ce niveau d’enseignement est financé par les communes et leurs groupements.

Si l’article L. 216-2-1 du Code de l’éducation prévoit bien un transfert financier aux régions qui participent à son financement « sur la base de la moyenne des dépenses de l’État à ce titre dans les régions concernées sur les années 2010, 2011 et 2012 » (soit sur une période antérieure aux baisses ou suppressions des subventions), de vastes zones d’ombre demeurent sur les montants alloués à cette mission spécifique et sur les modalités d’attribution de ces crédits, notamment dans le cas où une région ne souhaiterait pas s’engager financièrement.

Les décrets d’application devront préciser les modalités de financement, la répartition de cette prise en charge entre les collectivités et l’État, ainsi que les éventuels transferts budgétaires.