A la lecture du récent rapport du CESE sur l’enseignement artistique et culturel , il semble que l’image de l’action des conservatoires en France n’évolue guère (au moins aux yeux des auteurs de ce rapport), alors que bon nombre d’établissements effectuent depuis plusieurs décennies un travail de fond sur le long terme et ont accompli une mue conséquente… On peut légitimement, quand on travaille sur le terrain, en être agacé et déçu, et avoir le sentiment que ce travail est au mieux méconnu, au pire méprisé. C’est mon ressenti.
Je parle du point de vue d’un pur produit de l’institution, qui de conservatoire en conservatoire, de médailles diverses en évaluations sélectives successives s’est retrouvé à peine adulte dans les rangs d’un orchestre national : la consécration d’un cursus qui n’avait pas grand-chose de « personnalisé »… Mais suffisamment interpellé par le hasard des rencontres pour assez vite quitter l’orchestre et me tourner vers l’enseignement. Puis assez vite déçu de trouver dans les établissements où j’ai enseigné les mêmes représentations dominantes en vigueur, les mêmes logiques sélectives et conservatrices, puis assez vite en colère pour me confronter d’abord à mes directeurs, (normal !), puis aux problématiques de la formation à l’enseignement, puis assez vite « réduit » à devenir directeur à mon tour.
Fonction qui alternativement voire simultanément m’enthousiasme et me désespère : ainsi donc, je pourrai participer, concrètement, à changer le monde en travaillant en équipe avec des collègues enseignants, une hiérarchie, des élus et des partenaires dans un projet et une cohérence globale ? Mais aussi : ainsi donc, tout ceci ne serait que vaines gouttes d’eau, soumises au bon vouloir de décideurs financeurs qui ne mesurent pas la modernité de notre action ? En tant que directeur encore débutant, donc, qui ne fréquente pas les sphères ministérielles, mais qui passe beaucoup de temps à affirmer auprès d’élus, de responsables hiérarchiques, du public : « non, les conservatoires, certains conservatoires, ne sont pas, ne sont plus ce que vous croyez », il m’arrive toutefois de m’interroger : certes, indéniablement, les choses ont changé, et j’observe et j’admire les échos que je peux avoir du travail réalisé ici ou là, généralement sur du long terme, et modestement j’espère œuvrer dans ce sens.
Mais quel gouffre existe encore entre ce grand public, que nous convoquons tous dans nos projets d’établissements, et notre petit milieu professionnel ! N’y a-t-il pas, finalement, et sans moins revendiquer la reconnaissance du travail accompli et enfin de vraies analyses de terrain, quelque chose d’essentiel à entendre dans ce rapport comme dans les précédents et les suivants ? Ne sommes nous pas, entre professionnels, dans un certain déni de quelques réalités qui, elles, ne changent pas ?
Finalement, ne devrions-nous pas être un peu plus audacieux, voire radicaux ? Ou bien tous comptes faits, l’audace et une certaine radicalité n’ont pas leur place dans les conservatoires ?
Il m’arrive de croire que si, il m’arrive d’en douter…
Olivier Bartissol, directeur du conservatoire de Pontault-Combault (77)