Arrêt sur image

Regard

D’un seul coup, plus rien ! C’est l’impression que nous avons eu lorsque, au début du confinement, il a fallu fermer les établissements. Plus de cours, plus de concerts, plus de personnel pour répondre à l’accueil ou aux mails… Heureusement, les enseignants se sont vite mobilisés, dans le sillon de l’éducation nationale, pour inventer et établir un lien pédagogique avec leurs élèves via téléphone, mails et applications, pour « transmettre » à distance.

En cette période de confinement et en l’absence de calendrier effréné de fin d’année, il est peut être possible de prendre le temps, de faire un « arrêt sur image » et d’observer ce qu’il en est de l’autonomie de nos élèves : que reste-t-il quand il n’y a plus de cours hebdomadaire, d’apport de répertoire, de textes de théâtre, d’exercices appropriés, de correction des gestes instrumentaux, d’aide à l’écoute, d’explications et de conseils musicaux, parfois très directifs… ? Que reste-t-il lorsque les rendez-vous de répétitions, concerts, auditions sont annulés ? Nous nous rendons compte à quel point la pratique artistique est portée par nos structures !

Alors l’élève doit trouver chez lui son propre moteur qui soit moins celui du rendez-vous avec ses professeurs ou camarades, ou la préparation d’un examen ou concert : pourquoi jouer chez soi, quel sens donner à sa pratique ?

Parallèlement, alors que la nation est en difficulté, certaines valeurs collectives ressortent plus clairement. Pour les acteurs des conservatoires, il est fortement apparu l’importance du lien social, présent dans la pratique artistique. Quelle privation et perte de sens lorsqu’on ne peut rejoindre son groupe de comédiens, sa chorale par exemple ! Beaucoup ont également ressenti le pouvoir des arts pour se raconter, pour agrandir son monde et s’évader, librement, alors que le confinement nous contraint physiquement…

Ce sera une force pour le retour à la normale : s’appuyer sur ces valeurs fortes pour avancer pédagogiquement, trouver le sens aux apprentissages. Et que de perspectives pour construire un apprentissage qui vise vraiment l’autonomie ! On en parle souvent mais sans vraiment définir nos attentes et le moyen d’aider les élèves. Le confinement est la période test : est-ce que l’autonomie doit se résumer à « bien faire comme le professeur a dit » ? Et du coup, si le lien est coupé ou réduit, que fait l’élève livré à lui-même ? Il n’y a pas d’autonomie spontanée : lui avons-nous donné des clefs pour qu’il se forge sa propre motivation, sa propre curiosité et envie d’apprendre ? Lui avons indiqué comment se mettre à l’ouvrage, comment se donner son propre objectif ? Saura-t-il user d’un regard critique construit et bienveillant avec lui-même ? Saura-t-il comment rechercher les ressources en cas de difficultés ?

Ce sera bien sûr un soulagement de se retrouver physiquement mais il serait également intéressant de mieux saisir, par déduction, toute la richesse d’un échange en présence des uns et des autres : l’expression d’un regard, d’un geste, le ton d’une parole, les émotions visibles sur les visages, les corps, la qualité d’un son, la précision d’un timbre.

Renforcer la pédagogie pour l’autonomie, mieux utiliser encore la richesse de la présence des uns et des autres, sont de belles perspectives d’évolution pour nos équipes. Vivement le « déconfinement »!

Florence Paupert

Directrice du CRD de Saint-Quentin  (02)