Quand on travaille dans un conservatoire comme enseignant ou comme directeur, il est toujours frappant de constater auprès du public à quel point les idées reçues ont la vie dure.
Mais après tout, il serait difficile de le reprocher au grand public, tant la critique de ces établissements est souvent caricaturale dans les médias.
On peut citer par exemple deux récents articles du Monde et de La Croix.
L’un, outrancier, dans Le Monde du 24 avril, fait l’apologie d’une « nouvelle méthode d’apprentissage ludique de la musique » , qu’il oppose à une vision archaïque, monolithique et caricaturale des conservatoires, méconnaissant la réalité et la diversité de ces établissements qui proposent un service public d’accès à la culture et à la pratique sur tout le territoire.
Signalons la réponse, très pertinente à notre sens que lui a faite Fanny Reyre-Ménard, Présidente de FUSE (fédération des usagers du spectacle enseigné).
L’autre, en date du 14 avril dans La Croix décrit le projet DEMOS (Dispositif d’Education Musicale et Orchestrale à vocation Sociale). Le projet DEMOS est tout à fait passionnant et utile, et nous partageons l’éloge qui en est fait, mais, au détour d’une phrase, l’article oppose implicitement l’enthousiasme des enfants « des quartiers défavorisés », produisant des merveilles, au désenchantement supposé des élèves fréquentant les conservatoires, qui eux connaitraient nécessairement une formation théorique austère et élitiste avant d’approcher éventuellement le moindre instrument. Ce faisant, il oublie que les équipes encadrant les enfants de ce projet DEMOS sont eux-mêmes enseignants de conservatoires ou musiciens d’orchestres, et qu’ils ne se métamorphosent pas en poussiéreux professeurs acariâtres lorsqu’ils passent la porte de leur établissement…
Ces deux exemples, parmi tant d’autres, participent pour le public à la construction de représentations de ce que sont aujourd’hui les établissements d’enseignements artistiques pour une grande part erronées, niant la complexité des réalités diverses que constituent nécessairement les centaines d’établissements maillant tout le territoire national.
Mais en tant que professionnel convaincu de la modernité de l’action des conservatoires, si l’on en arrive, blasés, à ne même plus réellement se mettre en colère devant la récurrence de ce genre d’amalgames mal renseignés, il est certainement salvateur de reconnaitre que ces idées reçues ne sont pas toutes entièrement infondées : oui, il existe des établissements qui ont moins évolué que d’autres, ou pas dans la même direction.
L’association Conservatoires de France existe depuis 25 ans, et précise dans ses statuts qu’elle a vocation à « accompagner la mutation des établissements d’enseignement artistiques ». C’est-à-dire que, sans nier les héritages historiques, elle fait sienne l’idée que les établissements d’aujourd’hui ne peuvent plus être ce qu’ils étaient il y a quelques décennies, que la société évolue, que les conservatoires doivent être en phase avec ces évolutions, et que ces évolutions ne datent pas d’hier : approches pédagogiques novatrices, travail en partenariats, ouverture culturelle et esthétique, lien avec les territoires…
Comme dans tous les milieux, il y a chez les professionnels des conservatoires des débats, des contradictions, des clivages, parfois très marqués. Comme partout, il y a des gens qui pensent différemment et qui portent des convictions différentes : des conservateurs, des progressistes, des naïfs, des cyniques, des réformistes, des révolutionnaires, des passionnés, des blasés, des utopistes, des pragmatiques…
Au-delà des médias, il nous semble donc nécessaire de réagir lorsque des messages véhiculés, consciemment ou pas, par des acteurs de notre milieu professionnel, viennent en contradiction avec les valeurs portées par l’association.